January 12, 2009

Le resserrement continu


Deux enquètes de la Banque du Canada confirme l'ampleur de la crise de crédit. Voici dans le Report on business un résumé des faits.

Je me permet de réactualiser un texte sur les étapes et mécanismes qui mènent de la crise du crédit à un cycle à caractère dépressif.


De la crise financière à la crise structurelle du capitalisme financiarisé

Au Canada ainsi qu'au Québec, bien que notre secteur manufacturier soit en pièces, nous ne ressentons pas encore la pleine ampleur du choc engendré par la crise, à entendre nos dirigeants et leurs conseillers économiques le pire de la crise est passé sans trop nous avoir affecté.

De te fabula narratur, le processus de déflation financière commence ici à peine son travail et ses assises sont profondes. Voici en quelques lignes les étapes et mécanismes mis en mouvement par et dans cette crise1.

1.Il est important de rappeler que l'origine de la crise, en août 2007, est dans un segment très particulier et fondamental des marchés financiers, le marché du crédit interbancaire, le tuyau par lesquels toutes les transactions financières et monétaires sont contraints de passer ! Cet effondrement soudain du crédit interbancaire continue à être le moteur du procès contradictoire qui se déroule sous nos yeux. À la fin de l'été 2007 la crise du crédit interbancaire éclate simultanément en Europe (Paris et Londres), aux États-Unis et au Canada quand les grandes banques commerciales et d'investissement sont saisi d'un doute fondamental et d'une incertitude radicale quant à la valeur d'une classe d'actif au coeur de la pratique financière récente, les produits de la « titrisation ». Prendre un prêt, une créance, et en faire une marchandise, la lancée en circulation telle une patate chaude, telle est la logique de base de la titrisation. Dériver de cette première métamorphose d'une dette en actif une série d'actifs financiers complémentaires (les fameux produits dérivés) et finalement remballer le tout en de nouveaux titres complexes et opaques et vous avez le marché de ce qui a été connu ici au Canada comme le « PCAA » (papier commercial adossé à des actifs).

Ce marché était utilisé par les banques et autres entreprises financières pour titriser des créances (métamorphoser des prêts en titres échangeables) ainsi que comme véhicule de placement à court terme relativement rentable. Quand le monde bancaire perd confiance en ce marché deux choses arrivent simultanément. Malgré leurs bilans solides, les banques perdent la source de financement que représentait la marché des titres adossés à leurs actifs qui leurs permettaient de maintenir un niveau élevé de crédit aux entreprises et aux particuliers en le titrisant, de plus elles ne font plus confiance aux bilans de leur contreparties qu'elles croient potentiellement infecté de créances toxiques, le crédit interbancaire s'assèche aussi.

2. Le resserrement du crédit interbancaire amène les banques à restreindre le crédit aux entreprises et aux ménages et ce malgré des baisses significatives et continues des taux directeurs des banques centrales. Les entreprises réagissent en diminuant ou reportant leurs investissements, elles font des mises à pied pour diminuer leur niveaux de production. Or la diminution/report d’investissements des uns se traduit en baisse de la production/de l’emploi des autres.

4. Les ménages perdent confiance en l'économie, perdent des revenus, perdent des emplois et constatent un diminution de la valeur nominale de leurs actifs financiers et immobiliers tandis que ce maintiennent leurs coûts de financement. Cela a plusieurs conséquences. La plus évidente est une baisse probable de la consommation causée par cette perte de confiance qui va s'ajouter comme pression supplémentaire sur les revenus des entreprises déjà en baisse. Cette boucle classique nous la connaissons. Par contre, nous connaissons mal l'effet multiplicateur qu'aura la restriction du crédit à la consommation sur la croissance. Et, finalement, nous n'avons pas d'idée précise de l'effet sur le système bancaire, de l'augmentation des faillites de ménages et des entreprises ainsi que la progression des retards de paiement de créances qui seront engendrés par la fragilisation des revenus des ménages. Nous savons que cette boucle ne peut qu'amplifier le resserrement de crédit et la soif des banques pour des liquidités.

5. À cela il faut ajouter les effets du retournement du marché immobilier résidentiel. L'inflation de la valeur du patrimoine immobilier fut utilisé comme levier de crédit par les ménages, en même temps que la facilité avec laquelle les banques pouvait titriser leurs portefeuilles d'hypothèques - et donc ouvrir de nouveaux prêts - nourrissait l'expansion de la valeur de ces d'actifs. Ce bouclage positif, mais effectivement vicieux, entre titrisation, expansion de la valeur des actifs immobiliers et utilisation par les ménages de ceux-ci comme levier d'endettement à la consommation, se retourne en boucle négative où le poids de l'endettement des ménages conjugués à la stagnation, voire la baisse de la valeur de leurs résidences, a un effet dépressif sur leur consommation et fragilise les banques détentrices, par delà la titrisation du risque ultime de défaut de paiement.

6.Pour conclure, il faut ajouter à l'analyse de ces mécanismes l'effet de la dynamique boursière. Contrairement à la crise de 1929 ou à celle de 1987, les places boursières, le TSX, le New York Stock Exchange, ne sont pas à l'avant plan de cette crise qui a pour origine le marché interbancaire. Au contraire, ces bourses enregistrent « après coup » ces développements et les amplifient. Elles ont été fortement ébranlées par la disparition d'une classe d'acteurs structurant: les grandes banques d’investissement. La lente l'implosion des valeurs engendre un phénomène qui multiplie l'effet de la crise de trois manières inter-reliées. Premièrement, les ménages qui ont des placements significatifs directs ou indirects (fonds) en bourse vont voir leur patrimoine baisser de valeur. L'impact de cet effet de richesse inversé est largement inconnu mais sera négatif. À cela il faut ajouter l'effet plus significatif d'une érosion possible de la base de capitalisation des entreprises cotées en bourse, qui ne pourront pas se recapitaliser si le prix de leurs actions baisse trop abruptement, d'autant plus que ces mouvements peuvent s'emballer sans raisons fondamentales. Cela peut s'avérer désastreux pour certaines d'entre elles, en particulier les banques, qui sont actuellement à la recherche de fonds propres et envisage d'émettre des nouvelles actions. Finalement, les engagements des grandes entreprises envers les caisses de retraite à prestations déterminées risquent d'agir comme un poids supplémentaire limitant l'expansion de leurs activités.

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